Sylvia Bardet Coste : « il m’a fallu dix ans pour passer le cap de l’acceptation »

Sylvia Bardet Coste est maîtresse de conférences en biologie. Elle enseigne la biologie cellulaire à l’IUT Génie Biologique, et cherche des thérapies contre les cancers du cerveau au sein d’Xlim. Sylvia Bardet Coste est reconnue travailleuse handicapée. Elle nous parle de son long chemin vers l’acceptation de son handicap.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées au cours de votre carrière du fait de votre handicap ? 

La peur du regard des autres. La peur que les gens pensent qu’on ne peut pas assumer son travail, ou qu’ils l’allègent en pensant bien faire.  Je n’ai pas envie d’être réduite dans mes activités professionnelles. J’ai envie de dire « si je ne peux pas, c’est moi qui dirais stop » et pas que quelqu’un pense à ma place. Et puis, il y a eu aussi la peur, quand je n’avais pas un emploi stable, de se dire que l’on peut ne pas être pérennisée à cause de son handicap.

Il m’a fallu dix ans pour passer le cap de l’acceptation. Je commence à parler de ma situation depuis à peine un an et demi dans mon milieu professionnel, et encore, la majorité des collègues ne savent pas.

Du fait de votre statut, avez-vous bénéficié d’un mode de recrutement spécifique ? 

C’est la première fois qu’il a été mis en place, à partir d’un décret qui a été publié en 2015, pour une campagne de maître de conférences en 2016. Pour candidater, il fallait la Reconnaissance Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) en plus du profil et du CV. J’ai eu le même mode de recrutement que pour d’autres postes de maître de conférences ; tout d’abord le poste a été affiché sur le site GALAXIE, puis j’ai passé un oral comme tout le monde, de 45 mn, avec une partie pédagogique et une partie recherche. Ensuite, j’ai eu droit à une série de questions par un jury composé pour moitié d’universitaires locaux, et pour moitié d’universitaires extérieur.e.s, soit un recrutement classique de maître de conférences.

Comment se traduit votre handicap dans votre vie quotidienne ?

J’ai un traitement pharmacologique quotidien, des traitements physiques, des prises de sang régulières tout au long de l’année et par beaucoup d’intervenant.e.s différent.e.s. Grâce à ces obligations, 3 à 4 fois par semaine minimum, cela fait à peu près 6 mois que je suis stable, mais cela demande une gestion de planning importante.  Je suis censée également faire de l’activité physique mais je n’arrive pas à trouver le temps. Dans toute pathologie cancéreuse ou immunitaire, l’activité physique est bénéfique. Cela aide au recouvrement de la santé dans plus de la moitié des cas. Le fait est que, pour moi, il est plus facile d’intercaler une demi-heure de traitement dans mon emploi du temps – je fais l’aller-retour et je reviens – que de me dire : « je m’arrête une demi-heure pour aller courir, marcher ou nager », parce que j’ai l’impression que ça tombe dans le loisir et non dans le thérapeutique.

Votre poste de travail  a-t-il été aménagé ? 

Je n’en ai pas fait la demande pour l’instant et on verra ce que l’avenir réserve. Déjà, le fait d’avoir un emploi du temps fixe et à l’avance me permet de m’organiser, ce qui était difficile auparavant ; sur un an, je peux organiser tous mes rendez-vous, mes thérapies. C’est déjà du luxe pour moi…

Je n’ai plus de chaise, j’ai acheté un ballon afin de m’asseoir. Il faudrait que je marche beaucoup. Il existe des tapis roulants sur lesquels on marche tout en étant devant l’ordinateur, mais ça pour moi c’est impossible. C’est encore une question de regard des autres. A partir du moment où j’ai amené le ballon, des collègues pensaient que j’étais enceinte…

Quel accompagnement avez-vous eu de la part de la Direction des Ressources Humaines de l’Université de Limoges ? 

Ils m’ont beaucoup aidée au niveau de la gestion de cette nouvelle loi, qui était discriminatoire envers les handicapé.e.s, puisqu’on est censé avoir les mêmes droits qu’un personnel non-handicapé. Sauf que j’ai des collègues qui ont été recruté.e.s en même temps que moi et qui ont eu leur reclassement tout de suite alors que j’ai dû attendre un an, et que je suis encore en cours de reclassement ; et ce parce que ce n’est pas écrit dans la loi. Le ministère ne m’a jamais envoyé les résultats du concours. Donc mine de rien, il faut faire confiance à sa Direction des Ressources Humaines.

Quels conseils vous pourriez donner à quelqu’un qui souffre d’une pathologie handicapante et qui n’ose pas le déclarer ? 

Tout d’abord, il faut qu’il fasse un gros travail d’acceptation et pour cela chaque personne est différente. J’ai eu trop souvent peur du regard des autres et je me suis bridée sur plein de choses. Je pense m’être bloquée moi-même, ce qui a entraîné des effets secondaires sur ma maladie. Cela génère un stress psychologique qui est délétère. Mon conseil à cette personne serait donc de penser à elle d’abord, et de s’épanouir dans son travail, ce qui est difficile si l’on cache une partie de soi.

 

 

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